Le texte qui suit est extrait de mon mémoire Pratique écrit dans le cadre du DU Art Danse Performance – Université de Besançon – Août 2013.
Des différents termes utilisés pour parler de danses ou d’actions qui s’inventent au présent, je choisis celui de «composition en temps réel». Pour expliquer ce choix, je vais tenter d’exposer pourquoi j’exclue d’autres termes communément utilisés.
«improvisation»
L’utilisation courante de ce terme dans des contextes extrêmement différents lui fait perdre de son sens.
On dit que l’on «improvise» lorsque l’on n’a rien préparé. L’improvisation est ainsi assimilé à un travail bâclé et approximatif dont on s’excuse.
L’improvisation est parfois une situation par défaut : on improvise car on n’a pas eu le temps, la possibilité, ni les moyens de faire «mieux».
L’improvisation est parfois un endroit complaisant d’évitement du travail. On y trouve une libération de la discipline et de la contrainte. On y fait «ce qu’on veut», on y exclut toute analyse et méthode.
L’improvisation est vue comme un outil, une étape préalable au «vrai» travail. On ne lui accorde pas de légitimité artistique en soi. Dans le cadre d’une ouverture publique, cette dénomination attire l’attention sur la prise de risque, et en appelle à l’indulgence.
L’improvisation n’a pas d’espace médian entre le génial et le raté.
«composition instantanée»
Le terme «composition» me convient dans le sens où il attire l’attention sur un processus de construction conscient. La composition implique la création d’une écriture à la suite de choix raisonnés et sensibles. Dans «composition» j’entends aussi la mise en relation d’éléments «composites» que l’on fait cohabiter : soi, l’autre, ce qui a lieu, son imaginaire, sa projection, sa sensation, son désir. Dans «je compose» j’entends aussi «je négocie», «je m’arrange», «je prends en compte ce qui a lieu pour servir mon dessein». L’action écrite au présent est en effet un dialogue constant entre ce qui est perçu, ce qui est imaginé et ce qui est agi.
En revanche j’ai des réserves sur le terme «instantané». J’y entends moins une référence au présent, que la description d’un processus d’une extrême rapidité. Ce terme me semble vouloir attirer l’attention sur une virtuosité de la réponse en réflexe. Or, le réflexe n’est pas le choix. J’ai alors l’impression que la composition est réduite à des prises de décision en chaîne, dans une suite d’instants déconnectés les uns des autres. L’instantané de la réponse comme l’instantané de son effet, semble mettre en avant l’éphémère d’une façon disproportionnée. Je ne me sens pas très concernée par cette poétique de l’apparition/disparition : je suis davantage intéressée par celle de la construction d’un déroulement sur la durée. Le terme «instantané» ne prend pas en compte le temps dans le processus, et l’existence du temps comme composante-même de la composition.
C’est pour cela que je préfère l’expression «en temps réel». Les choix de la personne qui compose ont le «temps» d’être opérés. La différence avec une pré-écriture réside dans l’existence de ces choix au stade auquel on assiste. Ce terme invite davantage le témoin à être complice d’un processus. Ce processus ne se définit pas en tant qu’il est incomplet ni virtuose : ce processus existe car il créé des oeuvres singulières qui n’auraient pas cette couleur avec un autre processus. La notion de «réalité» inclut d’autres aspects dans ce temps. Ce temps est réel car il est habité par la réalité de cet espace dans lequel il se déroule. Cette réalité, somme d’éléments fixes et variables (décor, objets, personnes, états, etc.), agit sur la composition et est agie par la composition.